La Corde

Dans un pays sous la coupe d’un tyran, alors que la contestation gronde et que la répression fait rage, un médecin et un prêtre s’affrontent sur la question de savoir si le devoir sacré de leurs fonctions respectives prime ou non sur celui des citoyens qu’ils sont aussi l’un comme l’autre. L’enjeu n’étant rien moins que la vie ou la mort du dictateur et par conséquent le maintien du régime ou l’accélération de sa chute…

Distribution : 2 personnages  (2 hommes)

Pièce mise en ligne en mars 2024

Traductions disponibles
en anglais : The Rope traduit par Jean-Pierre Martinez
en espagnol : 
La Cuerdatraduit par Jean-Pierre Martinez
en portugais :
 A Cordatraduit par Jean-Pierre Martine

Ouvrage paru aux Editions La Comédiathèque

ISBN 978-2-38602-179-4

Mars 2024

42 pages ; 18 x 12 cm ; broché.

Prix TTC : 12,00 €

 

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Analyse politique de La Corde de Jean-Pierre Martinez

Introduction

La Corde est une pièce à huis clos qui se déroule dans le cabinet d’un médecin militaire, au sein du Palais Présidentiel d’un régime dictatorial. La présence d’un portrait en majesté d’un général indique une tyrannie en place. L’affrontement entre le médecin et le prêtre, personnages centraux de la pièce, sert de prétexte à une réflexion politique et morale sur le pouvoir, la responsabilité individuelle et la légitimité de la résistance face à l’oppression.

1. Un contexte politique oppressant

La pièce s’ancre dans un cadre politique clairement dictatorial, où :

  • La répression des opposants est systématique : arrestations arbitraires, répressions sanglantes des manifestations, assassinats camouflés en suicides.
  • L’État contrôle l’ensemble de la société : la médecine et la religion sont instrumentalisées pour maintenir le pouvoir du tyran.
  • Les institutions sont corrompues et impuissantes : la justice est inexistante, les intellectuels et les élites sont soit complices, soit contraints au silence.

L’intrigue repose sur une alternative cruciale : le médecin, détenteur d’une information médicale capitale, doit décider s’il sauve ou non la vie du dictateur, sachant que son décès pourrait entraîner la chute du régime.

2. Un duel idéologique entre science et foi

Le médecin et le prêtre incarnent deux visions du monde et de la responsabilité :

  • Le médecin : rationnel et pragmatique, il est déchiré entre son serment d’Hippocrate et son rôle de citoyen. Il perçoit la dictature comme une machine répressive qu’il peut arrêter en un acte passif (ne pas signaler l’anévrisme du tyran).
  • Le prêtre : défenseur des principes moraux absolus, il refuse de cautionner l’idée de sacrifier une vie, même celle d’un monstre. Il prône la patience et la justice divine, malgré son impuissance face aux atrocités du régime.

Ce duel idéologique met en lumière une tension entre morale individuelle et pragmatisme politique :

  • Faut-il respecter des principes immuables (ne pas tuer, respecter son serment) même si cela signifie laisser perdurer l’injustice ?
  • Ou faut-il transgresser ces principes pour un bien supposé supérieur (mettre fin à une dictature) ?

3. L’assassinat politique : un acte de résistance ou un crime ?

La pièce questionne le juste usage de la violence dans un régime totalitaire. Le médecin pose une question fondamentale :

  • Laisser mourir un tyran est-il un assassinat ou un acte de légitime défense au nom du peuple ?
  • Peut-on moralement justifier un meurtre si celui-ci sauve des vies ?

Cette interrogation s’inscrit dans une tradition théâtrale et philosophique sur la tyrannie et la légitimité du régicide :

  • On pense à Brutus et César, à Hamlet face à l’usurpation du trône, ou encore aux débats modernes sur le devoir d’ingérence et l’élimination des dictateurs.
  • À travers la référence au jeune Hitler sauvé d’une noyade, la pièce pousse la réflexion sur le déterminisme et la responsabilité individuelle dans le destin collectif.

Le spectateur est directement interpellé, à travers des adresses au public, brisant le quatrième mur pour poser la question : auriez-vous tendu une corde à Hitler pour le sauver ? Cette mise en abyme engage activement le spectateur dans le dilemme moral, transformant le théâtre en espace de réflexion politique.

4. La politique comme impasse morale

La fin de la pièce souligne l’impuissance de la morale face à la complexité du pouvoir :

  • Le médecin cède à la tentation d’un crime passif, mais sans satisfaction ni certitude sur les conséquences de son acte.
  • Le prêtre ne le dénonce pas, acceptant malgré lui que l’ordre du monde puisse être changé par une transgression.
  • Le régime s’effondre, mais la révolution ne garantit pas un avenir meilleur : une nouvelle violence est possible.

Jean-Pierre Martinez met ainsi en garde contre les cycles de pouvoir, où la chute d’un tyran ne signifie pas nécessairement la fin du despotisme. Il pointe également le fait que les résistants eux-mêmes, en utilisant les méthodes des oppresseurs, risquent de devenir les prochains dictateurs.

5. Une pièce engagée, mais sans réponse définitive

Contrairement à un théâtre militant qui proposerait une issue claire, La Corde plonge son public dans l’ambiguïté morale :

  • Elle ne tranche pas entre action et passivité, entre la révolte et l’acceptation.
  • Elle refuse la vision manichéenne du bien et du mal absolus.
  • Elle pose des questions universelles sur la justice, la responsabilité et le pouvoir, en refusant les réponses simplistes.

Le spectateur est donc invité à prendre position, à réfléchir sur ce que signifie être un citoyen dans une société oppressive et sur les limites du pacifisme face à la barbarie.

Conclusion

La Corde est une tragédie politique moderne, où le théâtre devient un espace de questionnement sur la morale et le pouvoir. À travers un dialogue intense et une adresse directe au public, Jean-Pierre Martinez explore la responsabilité individuelle face à un régime autoritaire, l’éthique du pouvoir et les dangers de la compromission.
En refusant d’offrir une solution, la pièce confronte le spectateur à ses propres dilemmes moraux, rendant le théâtre un lieu d’engagement et de réflexion sur la complexité du monde politique.

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