Il était un petit navire de Jean-Pierre Martinez

Six personnages mystérieux sont bloqués sur une île par une grève de ferry. Ils ont tous une bonne raison pour vouloir regagner le continent au plus vite. Ils embarquent sur un bateau de pêche piloté par un passeur improvisé. Mais le prix à payer pour cette traversée sera plus élevé que prévu…
Une fable humoristique sur les travers de notre société.
Distribution : 7 personnages. Certains rôles sont indifféremment masculins ou féminins : 3 hommes/4 femmes , 2 hommes/5 femmes, 1 homme/6 femmes
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Pièce mise en ligne en juin 2018
Pièce créée à Libin (Belgique), Maison de village, le 23 mars 2019
Traduction en anglais par l’auteur : Save Our Savings
Traduction en espagnol par l’auteur: Había una vez un barco chiquitito
Traduction en portugais par l’auteur : Jogo de Escape
Ouvrage paru aux Editions La Comédiathèque
ISBN 9782377052318
Juin 2018
61 pages ; 18 x 12 cm ; broché.
Prix TTC : 12 €
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Analyse politique de Il était un petit navire de Jean-Pierre Martinez
- Introduction
Il était un petit navire est une comédie politique grinçante qui revisite le mythe du naufrage comme une métaphore de l’effondrement des élites et des systèmes corrompus. Jean-Pierre Martinez y tisse une satire acerbe du capitalisme débridé, des paradis fiscaux et des connivences entre politiciens, financiers et trafiquants en tout genre.
À travers un huis clos maritime où se retrouvent prisonniers des personnages issus de la haute société et du monde des affaires, la pièce dresse une critique des inégalités sociales, de la manipulation politique et des hypocrisies du pouvoir. Derrière l’apparence d’une aventure en mer se cache une réflexion plus large sur l’état du monde, la faillite morale des élites et l’absurdité des systèmes de domination.
1. Une critique du capitalisme et des paradis fiscaux
L’histoire se déroule au départ d’une île paradisiaque qui n’est autre qu’un paradis fiscal, lieu de refuge pour les grandes fortunes et plaque tournante de nombreux trafics financiers et politiques. Cette île, fictive mais emblématique, incarne les dérives du système économique mondialisé, où :
- Les milliardaires viennent cacher leur argent à l’abri des impôts et des regards.
- Les banques sont les piliers du système, jouant un double jeu entre légalité et corruption.
- Les élites manipulent les institutions pour préserver leurs privilèges, au détriment du reste du monde.
Les passagers du bateau représentent cette élite privilégiée, mais aussi ses contradictions :
- Diane, exécutive cynique de Continental Finances, personnifie les banques qui dictent la politique économique mondiale.
- Yvonne, femme d’affaires, illustre l’hypocrisie des ultra-riches qui veulent optimiser leur fiscalité tout en prônant la morale.
- Sergio, homme de main du Président, symbolise les connivences entre le pouvoir politique et les financiers, révélant un système où les dirigeants servent avant tout leurs intérêts personnels.
Lorsque la catastrophe frappe (le tsunami qui raye l’île de la carte), ces personnages découvrent que l’argent ne protège pas de tout, et que leur monde, pourtant si stable en apparence, peut sombrer du jour au lendemain.
2. Une satire des mécanismes du pouvoir
La pièce met en lumière les coulisses du pouvoir et sa corruption généralisée :
- Le Président français, omniprésent bien qu’invisible, est présenté comme un maître manipulateur, informé du désastre à venir mais ne prévenant que ceux qui servent ses intérêts.
- La police et la justice sont instrumentalisées : Amanda, infiltrée de la Brigade Financière, finit par fermer les yeux sur les délits qu’elle devait dénoncer, acceptant de participer à la mascarade politique.
- L’armée est un outil au service du pouvoir : elle intervient non pour sauver les innocents, mais pour récupérer les fonds de campagne du Président.
- La manipulation médiatique et politique est omniprésente : le Président ne supprime pas réellement les paradis fiscaux, mais détruit celui qui devient gênant, tout en en créant d’autres ailleurs.
Jean-Pierre Martinez dresse ainsi un portrait cynique du pouvoir, où les alliances se font et se défont selon les intérêts immédiats, et où la raison d’État justifie les pires crimes.
3. Une fable sur les inégalités et l’aveuglement des élites
Le microcosme du bateau devient un laboratoire des rapports sociaux, où chacun tente de sauver sa peau tout en maintenant les hiérarchies de classe :
- Les élites continuent de se mépriser entre elles, même face au naufrage (Yvonne traite Charles comme un serviteur jusqu’au bout).
- Les valises deviennent un symbole des inégalités : certains transportent de l’argent sale, d’autres des documents compromettants, d’autres encore de la drogue cachée sous un faux ventre de femme enceinte.
- La méritocratie est un leurre : les plus riches ont toujours une solution de secours, tandis que les plus naïfs (comme Diane, qui croyait appartenir au cercle des vrais puissants) sont sacrifiés au passage.
Le climax de cette lutte des classes sur un bateau en perdition survient lorsque les personnages se retrouvent en Libye, devenant eux-mêmes des migrants fuyant un désastre. L’ironie de la situation est mordante : ces mêmes individus qui méprisaient les réfugiés se retrouvent dans la position des damnés de la mer.
4. L’absurde et l’ironie comme armes de dénonciation
Comme dans d’autres pièces de Jean-Pierre Martinez, l’absurde et l’humour noir sont omniprésents pour accentuer l’absurdité des comportements humains face au chaos :
- Max, capitaine improvisé sans permis, illustre l’incompétence des dirigeants qui prétendent savoir piloter un monde qu’ils ne maîtrisent plus.
- Les discussions absurdes sur la météo et la boussole cassée reflètent l’aveuglement des puissants, incapables d’admettre qu’ils ont perdu le contrôle.
- L’accumulation des rebondissements (le naufrage, le tsunami, la Libye, l’intervention de l’armée) pastiche les scénarios hollywoodiens, rendant encore plus ridicule la prétendue toute-puissance des personnages.
Le comique repose aussi sur les jeux de langage et les expressions détournées :
- Les personnages répètent des formules creuses sur la responsabilité, la finance, le pouvoir, tout en étant incapables de gérer une crise réelle.
- Le Président devient une figure grotesque, omnisciente mais insaisissable, incarnant l’hypocrisie des dirigeants modernes.
Jean-Pierre Martinez ne cherche pas à délivrer un message moralisateur, mais pousse le spectateur à réfléchir en riant, en mettant à nu les contradictions et les lâchetés d’un système qui repose sur la manipulation et le profit à court terme.
Conclusion
Il était un petit navire est une allégorie du naufrage de notre société contemporaine, où les puissants se croient à l’abri du chaos mais découvrent qu’ils sont aussi vulnérables que ceux qu’ils exploitent. À travers cette comédie corrosive, Jean-Pierre Martinez dénonce :
- L’hypocrisie des élites, qui accumulent richesses et privilèges en prétendant défendre l’intérêt général.
- La collusion entre politique, finance et médias, où les véritables décisions se prennent dans l’ombre, loin du peuple.
- L’absurdité d’un monde où la crise est permanente, mais où les riches continuent de tirer les ficelles pour rester au sommet.
En mêlant satire sociale, critique politique et comédie absurde, la pièce renvoie chacun à ses responsabilités, interrogeant notre rapport au pouvoir, à l’argent et à la vérité. Elle nous laisse sur une pirouette finale, où les personnages acclament cyniquement le Président et la Finance, prouvant que même après un naufrage, le système sait toujours se régénérer… tant qu’il y a encore de l’argent à sauver.