Faire commune par la Compagnie Megalocheap

Faire commune, ou Malakoff n’est pas que le terminus d’une ligne de métro

Cela commence comme du théâtre dans le théâtre. Une troupe répète un spectacle sur la création et le destin à la fois tragique et héroïque de la ville ouvrière de Malakoff. En cinq épisodes, ces six comédiens aux talents multiples vont nous raconter, comme souvent au théâtre justement, la grande Histoire à travers la petite. Car derrière les quelques grands hommes qui laisseront leurs noms dans les livres pour avoir marqué leur époque, et qui pour certains entreront au Panthéon, il y a des cohortes de héros et (singulièrement) d’héroïnes ordinaires sans qui rien de tout cela n’aurait été possible.

L’histoire de la révolution industrielle, on le sait, est indissociable de celle des révoltes du peuple ouvrier contre un système qui l’exploite pour prospérer. La lutte des classes n’est pas seulement un concept marxiste, c’est aussi une cruelle réalité historique, et on l’oublie trop souvent, les acquis sociaux d’aujourd’hui sont le résultat des luttes, parfois sanglantes, d’hier.

« Faire commune », comme faire société, c’est avoir pour projet un monde plus solidaire, dans lequel chacun tirerait profit des efforts de tous, et où la devise républicaine de « liberté, égalité, fraternité » ne serait pas seulement un slogan. De la grande histoire de la Commune de Paris à la petite histoire de la commune de Malakoff, c’est à travers ce spectacle les combats sans fin des petites gens pour tendre vers cet idéal qui nous sont racontés.

Ne vous y trompez pas, cependant, cette réjouissante comédie presque musicale n’a rien d’un « métingue » politique. L’épopée de Malakoff et du mouvement ouvrier nous est racontée aussi à travers des chansons d’époque et des sketchs humoristiques. On est ému. On rit. On est bien au théâtre. Et le fait que cette messe républicaine soit célébrée dans une église ne fait qu’ajouter à la malice de ce spectacle, à ne manquer sous aucun prétexte.

Un vrai coup de cœur de Libre Théâtre.

Critique de Jean-Pierre Martinez
Juin 2023