Flagrant Délire par le Melbourne French Theatre

Le Commissaire Navarin prend sa retraite ce soir. Mais la dernière journée de ce flic à la réputation aussi légendaire que douteuse s’annonce plus mouvementée que prévu, quand on lui confie une ultime affaire des plus embrouillées. Un cadavre dans un sauna et une histoire de plagiat, le tout semblant déboucher sur un scandale d’État… À moins que tout cela ne soit finalement que du théâtre ! Plus l’enquête avance, en effet, plus cette quête de vérité tend à démontrer que tout est faux dans cette histoire abracadabrantesque. Mentir vrai, on le sait, est le propre de l’art dramatique… comme celui de la politique. Cette parodie hilarante des séries télévisées policières tourne en dérision tous les travers de notre société, souvent basée sur l’imposture, l’hypocrisie et parfois même l’escroquerie…

in flagrante delirium / flagrantly delirious
par Jean-Pierre Martinez
Mise en scène :  Luca Romani

Producteur Michael [Michel] Bula

En français avec des sur-titres en anglais

Commissioner Navarin – Damien Kenny

Inspector Bordeli – Karim Bouriah-Lopez

Commissioner Ramirez – Paola Villanueva

Chief Commissioner Delatruffe – Ioanna Gagani

Baron de Casteljarnac (Franck) – Hector Lesay

Baronne de Casteljarnac (Margarita) – Olivia Bula

Le cadaver/cadaver – Léo Travé

 

Interview de Jean-Pierre Martinez à propos de la pièce FLAGRANT DÉLIRE, représentée à Melbourne (Australie) par le Melbourne French Theatre

DU LIEN ÉTROIT ENTRE TRAGÉDIE ET COMÉDIE

Les pièces de Jean-Pierre Martinez convoquent souvent la dimension tragi-comique de situations quotidiennes telles que le chômage, les dîners entre amis ou en famille, les urgences hospitalières ou les enterrements. Nous avons interrogé l’auteur à ce propos à l’occasion de la création de sa comédie Flagrant Délire à Melbourne.

 
Le titre de la pièce lui-même, Flagrant Délire, intrigue. Il annonce une comédie pleine de rebondissements. En tant que dramaturge, qu’est-ce qui vous a poussé à écrire un tel texte ?
J’attache toujours beaucoup d’importance au choix du titre. Ici, il s’agit d’un jeu de mot autour de l’expression « Flagrant délit », terme judiciaire signifiant « pris sur le fait » (in flagrante delicto), « délit » étant remplacé par « délire » pour induire une dimension absurde à la Ionesco. Quant à cette pièce, c’est d’abord une parodie des séries télévisées policières (plus particulièrement françaises). J’ai travaillé comme scénariste pour la télévision pendant une dizaine d’années. Je connais donc bien cet univers. Cette comédie est un pastiche de la série « Navarro », très connue en France (c’est pourquoi le personnage principal s’appelle Navarin). Il faut bien le reconnaître, les séries télévisées françaises sont le plus souvent très mauvaises, et c’est de pire en pire. Mais la série Navarro, à l’époque (il y a une trentaine d’années), était une assez bonne série, car les personnages étaient bien caractérisés et les comédiens très attachants, tandis que les histoires étaient très ancrées dans le contexte spécifiquement français de cette époque-là. Ce qui hélas n’est plus le cas de la plupart des séries françaises aujourd’hui.

 
Dans cette pièce, on passe en permanence de la tragédie la plus noire à la comédie la plus échevelée…
Pour moi, tragédie et comédie sont indissociablement liées. Les histoires sont les mêmes. C’est le point de vue qui change. Une histoire d’adultère, par exemple, mais aussi de crime, peut être traitée comme un drame ou comme une comédie. L’humour est un certain regard sur la vie, y compris et surtout dans ce qu’elle a de tragique. L’humour est une façon de se protéger en dédramatisant la tragédie, faute de pouvoir l’éviter. Pour moi, il n’y a pas de bonne comédie qui ne repose au départ sur une situation dramatique. C’est en tout cas le parti pris de presque toutes mes pièces.

 
Dans chacune des répliques de ce texte, ce qui est dit n’est pas à prendre « au pied de la lettre ». Le propre de l’humour est-il de jouer sur les ambiguïtés du langage ?
Le comique repose entre autres sur l’ironie, qui consiste à dire une chose pour exprimer son contraire. Le comique s’appuie aussi beaucoup sur le non-dit, les sous-entendus, et donc les silences existants entre les répliques. Dans l’écriture comique, le sous-texte est aussi important que le texte.
Par ailleurs, ce qui est essentiel au théâtre, il me semble, c’est le personnage. Texte et sous-texte doivent donc concourir à caractériser les personnages pour les rendre empathiques.


Les personnages de cette comédie se caractérisent d’abord par leurs outrances et leur indignité. Pourquoi ?
S’agissant d’une parodie, il était bien sûr indispensable que les personnages soient caractérisés par leur incompétence et leur immoralité. Ce qui est une autre façon de les rendre sympathiques, car si le public aime la tragédie pour ses héros, il adore aussi la comédie pour ses anti-héros.


D’un ton apparemment léger, cette comédie aborde cependant discrètement des thèmes plus sérieux (la corruption, notamment). Est-ce un trait caractéristique de toutes vos pièces ?
On en revient encore et toujours à l’essence même de ce qui est pour moi la comédie l’humour (surtout ce qu’on appelle l’humour noir) consiste à rire des situations tragiques pour ne pas avoir à en pleurer. Le monde ne changera jamais vraiment, car l’Homme conservera toujours ses travers, dont se moquaient déjà Molière (même si c’est à Shakespeare que je rends discrètement hommage à la fin de cette pièce). On dit que l’humour est la politesse du désespoir. En effet, par le biais de la comédie, et au prétexte de divertir, j’exprime dans mes pièces le désespoir que m’inspire le monde et l’Homme dans leur incapacité à s’améliorer.


La pièce sera présentée pour la première fois en Australie, en français avec des sous-titre en anglais. Je crois d’ailleurs savoir que vous avez directement échangé avec notre producteur Michel Bula à ce sujet. Que vous inspire cette première ?
Je dis souvent que pour moi, écrire une pièce et mettre librement le texte à disposition sur mon site internet, c’est comme pour un naufragé lancer une bouteille à la mer en espérant que quelqu’un la trouvera et répondra à cet appel au secours. Ces bouteilles que je lance régulièrement à la mer, tous les jours, dans le monde entier, des gens très différents les trouvent, lisent le texte qui est à l’intérieur, et m’écrivent. Des gens avec qui parfois j’entre en conversation directe, comme ce fut le cas pour Michel. Nous ne nous connaissions évidemment pas. Nous nous sommes rencontrés à travers ce texte. Et nous avons échangé en vidéo pendant plus d’une heure. Je ne savais rien de lui, mais il en savait déjà beaucoup sur moi à travers mes textes. C’est aussi (et peut-être surtout) pour susciter ce genre de rencontres inattendues que j’écris. Alors vous imaginez bien que de porter la langue et la culture française jusqu’à ce qui pour nous est l’autre bout du monde, c’est à la fois un immense plaisir et un honneur pour moi

Michel Bula, Directeur du Melbourne French Theater et Olivia Bula, comédienne

Interview de Michel Bula, directeur du Melbourne French Theater et Olivia Bula, Comédienne sur la radio SBS Français à l’occasion du casting pour le montage de la pièce Flagrant Délire. Lien pour écouter l’interview en intégralité

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